Elsa Davoine est une comédienne de doublage talentueuse reconnue pour sa capacité à donner vie à une variété de personnages à travers sa voix captivante, ajoutant une dimension supplémentaire à chaque performance.
Son travail acharné et sa polyvalence lui ont permis de prêter sa voix à des personnages de divers horizons, allant des héroïnes courageuses aux méchantes redoutables, en passant par des personnages comiques et attachants.
Son professionnalisme et sa maîtrise de l’art du doublage lui ont valu de travailler sur des projets majeurs, que ce soit pour des films, des séries télévisées, des dessins animés ou des jeux vidéo.
Merci Elsa pour cette interview.
Elsa, commençons avec ton expérience dans la franchise Star Wars. Depuis 2019, tu es la voix du personnage de Merrin dans les deux jeux vidéo Jedi Fallen Order et le dernier en date : Survivor.
Comment es-tu arrivée dans la « famille » Star Wars ?
Nathalie Sionneau, qui est une merveilleuse directrice artistique, m’a fait passer un essai sur le rôle de Merrin. C’était la scène où Cal Kestis croise Merrin pour la première fois… Une rencontre fracassante ! Nathalie a tout de suite senti que ce personnage allait prendre de l’importance, et effectivement j’ai eu la joie de retrouver Merrin sur Survivor
Merrin est un personnage que j’apprécie beaucoup. Quel est ton « lien » avec elle ?
C’est une femme énigmatique et très indépendante qui se dévoile petit à petit. J’aime son humour pince-sans-rire qui est une façon pour elle de témoigner son affection.
Comment as-tu trouvé le timbre de voix adéquat à ce personnage ?
J’ai travaillé avec Nathalie sur la singularité vocale de ce personnage charismatique et puissant qui semble fière et sûre d’elle au premier abord.
Puis avec Kévin Houée, sur le 2ème volet, on a un peu détendu sa façon de s’exprimer, car au fil de l’aventure, on découvre ses failles, son humour cinglant et elle développe une grande complicité avec le reste de l’équipe. C’est un personnage complexe qui se révèle très attachant.
Star Wars, un univers qui te parlait déjà avant de commencer à travailler pour Jedi Fallen Order ?
Bien sûr ! Comme beaucoup d’entre nous, j’ai vu la trilogie originelle quand j’étais enfant, et j’ai tout de suite adoré. Ce monde fantastique avec ces créatures étranges, hautes en couleur, et la puissance du récit m’ont vraiment fascinée. Et les acteurs principaux ont tellement de charme !
Avant le monde des Jedi, on a pu également t’entendre dans une autre franchise ultra connue : Assassin’s Creed. Tu doublais le personnage de Layla Hassan (Valhalla, Odyssey et Origins). Quels souvenirs as-tu de cette aventure ?
Un jour j’ai reçu un appel d’Hubert Drac pour me dire qu’il avait un joli rôle pour moi et que ça allait certainement être le début d’une belle aventure. J’ai beaucoup aimé cette scientifique passionnée qui a le tempérament intrépide d’une aventurière. Et la voir évoluer dans des époques et des univers chaque fois différents est très exaltant !
Je me rappelle t’avoir entendu dans Detroit : Become Human. Te rappelles-tu du personnage de North ?
Bien sûr ! J’adore le côté rebelle et sans concessions de North. C’était la première fois que je doublais un jeu qui approfondissait autant la psychologie des personnages, avec de nombreuses et longues scènes en animatiques. Et c’est passionnant d’explorer toutes les versions possibles de la même histoire et de voir un individu se transformer du tout au tout selon les choix qu’il fait.
On t’as également récemment entendu dans Horizon Forbidden West dans le rôle de Kalla…, dans Cyberpunk 2077, Far Cry 6, …
Le jeu vidéo est un monde dans lequel tu te sens à l’aise pour le doublage ? Et qui te passionne ?
J’adore me projeter dans des mondes fantastiques et utiliser mon imaginaire pour créer le décor et les personnages qu’on ne voit pas lorsqu’on enregistre. En tant que comédienne j’aime beaucoup jouer l’action, les combats, l’aventure, les situations extrêmes dans lesquels sont souvent plongés les protagonistes des jeux vidéos. Il y a également souvent beaucoup d’humour ou de personnages farfelus qui sont aussi très réjouissants à interpréter.
Je suis également frappée par tous les univers et personnages imaginables et toutes les formes possibles de game play. J’ai par exemple été très impressionnée par Death Stranding, dans lequel j’interprète le rôle de Fragile en VF originellement incarnée par Léa Seydoux.
Ce jeu collaboratif, qui se construit progressivement, et dans lequel chaque joueur laisse son empreinte, est un véritable ovni !
Par ailleurs, je suis très curieuse de voir comment bientôt les jeux vidéos fusionneront avec les séries. On verra apparaître les premières séries dont les spectateurs seront les protagonistes. Je pense que l’expérience sera palpitante !
Avec Alice Taurand et Adeline Chetail, tu fais également parti du casting vocal de la série Arcane. Toi aussi tu t’éclates à doubler sur cette série ?
Énormément ! Cette série a eu l’effet d’une bombe dans l’animation. Personnellement, j’affectionne les scénarios bien ficelés où la psychologie des personnages est approfondie. Et Arcane m’a littéralement bluffée sur tous les plans ! C’est un univers merveilleux. Les dessins sont magnifiques et l’animation incroyable.
Une autre série qui est très appréciée et qui a bonne critique, c’est « Euphoria ».
On t’y retrouve derrière la voix du personnage de Cassie.
Tu peux comprendre que cette série ait autant de succès ?
Tout-à-fait ! C’est une série plutôt destinée aux jeunes, qui aborde toutes les thématiques auxquelles ils peuvent être confrontés, de façon totalement décomplexée et parfois même un peu extrême, en dénonçant certaines dérives. C’est un petit bijou de réalisation, les comédiens sont excellents et l’histoire est montée de façon très originale. Et c’est la première fois que je doublais Sydney Sweeney, que j’ai retrouvée par la suite dans « The White Lotus » et « Reality » qui vient tout juste de sortir sur HBOmax (et en salles en France le 16 août).
Non seulement ce sont toutes des œuvres excellentes dans des styles très différents, mais elle y est toujours magistrale dans la justesse et la finesse de son interprétation.
Quel est le doublage dont tu es le plus fière ?
Un seul ? Ça va être difficile de choisir !
Tout ceux dont on a parlé m’ont beaucoup marquée. Il y en a eu pleins d’autres… J’ai souvent eu la chance de doubler d’excellentes comédiennes et d’être dirigée par des directeurs artistiques passionnants qui m’ont beaucoup appris.
Un des premiers gros rôles que j’ai eu était Joni Conway dans « Quarry », jeune épouse d’un vétéran de la guerre du Vietnam. La palette de jeu de Jodi Balfour, sa qualité d’interprétation et l’intensité dramatique des scènes étaient vraiment époustouflantes. Ce fut un véritable bonheur à retranscrire !
Depuis quand es-tu comédienne de doublage ?
Ça va bientôt faire 10 ans maintenant. Avant j’ai beaucoup joué au théâtre, un peu à l’image, et chaque expérience m’a beaucoup apporté.
As-tu une anecdote sur un enregistrement à raconter ?
J’enregistre actuellement une série d’animation, qui est en cours de création, dans laquelle j’interprète un petit garçon et sa grande sœur qui sont les personnages principaux. Ça a été un petit challenge de trouver leurs voix respectives en fonction de leur caractère pour bien les différencier, car ils sont ensemble dans toutes les scènes ! D’autant que la série a évolué et qu’au départ je jouais deux petits garçons avec un tout autre tempérament…
Tu te prépares toujours de la même manière ( rituel, exercice voix,.. ? ) avant un enregistrement ? Que cela soit pour une série, un film, jeux vidéo, etc…
Je travaille surtout l’articulation, la lecture à voix haute, et comme je pratique le chant jazz/rock par ailleurs, je chauffe régulièrement mes cordes vocales. C’est très important, surtout pour se préparer aux sessions de jeu vidéo où il y a beaucoup de voix portée, pendant parfois plusieurs heures, lors des scènes de combats.
Plutôt VF ou VO ?
Je trouve qu’on a une chance incroyable d’avoir le choix entre les deux ! En France ce domaine ayant été largement développé, nous avons le privilège d’avoir un grand vivier d’excellents comédiens, DA, ingé son et adaptateurs spécialisés qui consacrent leur talent au service des œuvres pour garantir un doublage de qualité.
Si la VO permet bien sûr d’apprécier le jeu d’un comédien dans son entièreté, à moins d’être bilingue, on peut parfois perdre un peu de l’action, des émotions transmises par le regard ou de la beauté d’un cadre en lisant les sous-titres. Par exemple, je suis allée voir « The French Dispatch » de Wes Anderson en VO. Le débit est tellement rapide, il se passe tellement de choses à l’image, chaque plan est tellement travaillé dans le détail, que j’ai loupé la moitié du film en lisant les sous-titres. Je le regarderai donc à nouveau en VF puis en VO pour apprécier pleinement l’expérience.
Un dernier mot pour Gillesfaitsoncinema.com ?
Merci Gilles pour le travail que tu fais ! Au moment où on parle de plus en plus de l’IA qui va certainement bientôt remplacer des tas de métiers et notamment dans le domaine de la voix, je trouve ça magnifique et important de mettre en valeur ces métiers de l’ombre et d’en faire découvrir les coulisses au public. Et quel plaisir de voir que la VF voyage et plaît à travers le monde ! Belle continuation à toi.