En début de cette « merveilleuse » année 2020, j’ai eu le grand honneur et la grande fierté de pouvoir Interviewer la très talentueuse actrice et doubleuse française :
Léopoldine Serre
Tu as très certainement déjà entendu sa voix !
Dans …•Ready player One••The Witcher••La Belle et la Bête••Lovely Bones•…
Oui, rien que ça…
Encore merci, Léopoldine, d’avoir consacré votre précieux temps à cette très passionnante Interview.
Bonne lecture !!!
Actrice, vous avez également un grand succès dans le doublage, comment êtes-vous arrivée dans ce métier ?
A 16 ans, mon amie Barbara Probst, magnifique comédienne, allait passer des essais pour doubler Ellen Page, alors quasiment inconnue, dans une série appelée •ReGenesis•. Elle m’a proposé de l’accompagner (ce qui d’ailleurs aujourd’hui ne serait plus possible du tout) et j’ai été choisie. C’est comme ça que l’aventure a été lancée pour moi.
Le 20 décembre 2019 est sorti sur Netflix : •The Witcher•. Une des séries les plus attendues de l’année. Vous doublez la « Belle » magicienne Yennefer de Vengerberg. Comment êtes-vous arrivée au casting ? Connaissiez-vous les livres et les jeux-vidéos avant ?
C’est Pauline Brunnel, avec qui je travaille très régulièrement car nous avons une forte connivence, qui dirigeait la série. Il se trouve que j’avais déjà doublé Anya Chalotra, la comédienne qui joue Yennefer. J’ai donc enregistré le teaser de la série et Netflix m’a ensuite validée au casting.
Je ne connaissais pas du tout ni le roman ni le jeu vidéo.
En parlant de « Belle », vous étiez également la voix française d’Emma Watson dans l’adaptation « Live » de •la Belle et la Bête• en 2017 des studios Disney. Quelle a été votre réaction en apprenant que vous alliez travailler pour la plus grande franchise au monde ? Et doubler une des actrices les plus populaires…
J’avoue être une grande grande fan des dessins animés Disney qui ont bercé mon enfance. •La Belle et la Bête• en faisait partie d’une manière particulièrement marquante, car il y a des scènes assez terrorisantes dans le dessin animé, notamment la première apparition de la Bête dans le cachot au début. C’était donc une première approche d’un cinéma plus « adulte ».
J’étais aux anges de doubler une des « princesses Disney » qui ont fait partie de mes héroïnes pendant tant d’années.
Quant à Emma Watson, je l’adore tant comme comédienne pour sa douceur pétillante, que pour ce qu’elle est dans la vie: une femme engagée. Elle utilise sa célébrité pour défendre des causes essentielles. Elle a continué des études très poussées sans se reposer sur ses lauriers de « star ». Elle est ambassadrice à l’ONU pour défendre l’égalité des sexes dans une direction humaniste. Elle a aussi créé •Our Shared Shelf• un club de lecture en ligne, pour promouvoir la lecture de nombreux ouvrages aux personnages féminins forts et indépendants. Elle a même caché des exemplaires de certains de ces ouvrages, dédicacés d’une note de sa main, un peu partout dans le monde pour susciter l’engouement à sa démarche.
Doublage cinéma, série TV, jeux vidéos… les enregistrements se passent toujours de la même manière pour vous ? Est-ce que c’est facile de garder sa propre personnalité dans la vie de tous les jours alors que vous vous mettez dans « la peau » de plusieurs personnages différents ?
Je suis très exigeante avec la direction, les textes et avec moi-même sur tous les projets sans distinguo. Je m’investis beaucoup sur le plateau. La complicité avec le directeur de plateau est donc essentielle à une collaboration concluante.
Quant à ma personnalité potentiellement schizophrène (ahah), si la question peut éventuellement se poser en cinéma et au théâtre, le doublage, c’est se mettre au service du comédien qui est à l’écran. Comprendre sa vision, ses intentions, son rythme. Même si parfois c’est troublant car on a l’impression que c’est un peu nous à l’image.
La voix est une expression déterminante d’une personnalité et d’un caractère.
Avez-vous un personnage préféré ? Celui que vous êtes la plus fière d’avoir doublé.
Cela fait plusieurs fois que je double une comédienne formidable: la très sensible et magnifique Saoirse Ronan. Elle était déjà incroyable dans •Lovely Bones• et dans •Hannah•, mais dans •Les filles du docteur March•, actuellement en salle, où elle tient le rôle très engagé de Joe March, elle réussit un coup de maître.
Nous avons travaillé main dans la main avec Céline Ronté, la directrice de plateau, et je suis très heureuse de cette rencontre et très fière de cette collaboration minutieuse.
Pour la petite histoire, Emma Watson tient dans ce film le rôle de Meg, une des sœurs de Joe. (•Little Women• fait d’ailleurs partie des ouvrages féministes qu’elle a distribués en combinaison avec la promo du film) La question s’est donc posée de savoir à quelle comédienne j’allais prêter ma voix. Suite à des essais, c’est finalement sur le personnage de Joe que ma voix a été validée et celle de Nastassja Girard sur le rôle de Meg.
Extrait: https://fbwat.ch/1QGlBdR3PgcCdNFn
Votre pire souvenir de doublage ? Si vous êtes autorisée à en parler. Ou le plus compliqué ?
Un film d’horreur sur lequel je ne faisais que hurler! Or les cris ne sont pas toujours pris en compte dans le lignage. Je me suis donc défoncé la voix mais sans être payée pour. Ahah!
J’ai fait un article l’année dernière traitant sur le fameux débat : c’est mieux la VO(stfr) ou la VF ? Pour vous, il y a des séries ou des films que vous préférez voir en version originale, ou par solidarité avec vos collègues et votre métier vous privilégiez la VF ?
Il y a des films cultes que l’on a tous vus en VF étant enfant et qu’on ne peux plus regarder en VO. Je pense par exemple à •Retour vers le futur•. Que ce soit la qualité de ces VF, la grande liberté que permettait alors le doublage ou le souvenir de notre enfance qui jouent, ces VF sont devenues cultes.
Pour ma part, je regarde plutôt la VO car comme je le disais plus haut, la voix d’un acteur ou d’une actrice me semble essentielle à son expression. Les acteurs travaillent parfois des mois sur la préparation de leur personnages. Les contraintes techniques et temporelles du doublage ne permettent malheureusement pas toujours, quelle que soit la qualité de la direction et des comédiens, un travail aussi poussé et en profondeur.
Il y a aussi la difficulté de l’adaptation. Parfois on a beau se creuser la tête, certaines expressions ne trouvent pas leur traduction dans une autre langue. C’est alors le défi de l’adaptateur de trouver une pirouette pour y pallier, mais ce n’est pas toujours possible.
Cela n’empêche pas l’implication et l’exigence de chacun pour faire de notre mieux avec les cartes que nous avons en main.
En parlant de séries TV, suivez-vous en quelques-unes en ce moment ?
Après •Chernobyl•, je m’indigne en ce moment devant •l’Effondrement•, une série française dont les épisodes sont tournés intégralement en plan séquence, qui anticipe un futur malheureusement tout à fait crédible: l’humanité confrontée à l’épuisement des ressources et au dérèglement climatique qui en découle, et l’individualisme créé par un capitalisme et un ultra-libéralisme de plus en plus démesuré, ici exacerbé par des situations extrêmes de danger imminent. Des thèmes on ne peut plus actuels et une démarche engagée dans laquelle l’art prend pour moi tout son sens.
Et pour me consoler, parce que pour palier à une telle situation, il faut aussi trouver du beau et du positif à la vie et garder espoir, je regarde en ce moment la dernière saison de •Jane the virgin•.
Je suis également •Grace and Frankie•, qui raconte la renaissance de deux septuagénaires quittées par leur mari, qui se remettent au centre de leur vie sans se définir par rapport à un homme. La série questionne la place des femmes, leur indépendance, leur sexualité, et notamment lorsque passé un certain âge, elles sont considérées au sein de la société comme « périmées » et deviennent invisibles.
Des thèmes qui me sont chers comme vous avez pu le constater
Ma page Facebook a été créée après avoir vu •Ready Player One•, mon coup de cœur 2018. Vous êtes la voix française du personnage d’Art3mis, interprété par l’actrice Olivia Cook. Quel est le sentiment qui prédomine quand on double dans un film réalisé par le Grand Steven Spielberg ?
Je suis bien sûr très fière d’avoir le sentiment d’avoir à mon petit niveau participé à l’œuvre d’un cinéaste de cette ampleur. Cependant soyons réalistes, je n’ai pas travaillé avec Steven Spielberg! Mais je ne désespère pas que cela arrive un jour! (Mais bien sûr….Ahah)
Pour l’instant je me suis surtout régalée des possibilités qu’avec sa place et sa renommée, il a pu mettre en œuvre dans ce film. Notamment l’incursion dans •Shining• de Stanley Kubrick, qui est à mon sens le passage le plus incroyable du film.
Ça a été un véritable privilège et un gros kif, disons le, de pouvoir indirectement traverser ces décors et ces scènes.
J’étais également très heureuse de retrouver Barbara Tissier qui a dirigé le plateau, ainsi qu’Olivia Cook, subtile comédienne que je suis maintenant depuis la série •Bates Motel• (dirigée par Blanche Ravalec) et ai retrouvée récemment dans •Vanity Fair• (dirigée par Laura Préjean).
Il n’y a pas que dans le 7ème Art que vous excellez, la musique fait aussi partie de votre vie, vous pouvez m’en dire plus ?
J’ai en effet un groupe de pop-rock, The Small Ladies , que nous avons créé en 2011 avec ma meilleure amie Lilly-Fleur Pointeaux, également comédienne.
Nous y abordons les thèmes universels de l’amour dans ses joies et ses déceptions, du féminisme-humanisme (sans blague) et des dérives de nos sociétés modernes (oh ben ça alors) tout cela dans un univers visuel très graphique, girly mais trash: https://youtu.be/JDNF9FwSKc0
Nous collaborons avec Mickaël Olivier (également guitariste), notre éternel complice avec qui nous composons et arrangeons nos morceaux, et ce avec le concours de nos trois autres musiciens, Célia Sayaphoum (guitariste), Gaspard Cresp (bassiste) et César Carcopino (batteur). C’est un projet que nous avons élaboré de toutes pièces, un espace de liberté totale qui m’est très cher.
Nous avons dernièrement sorti un EP, 6am, disponible en vinyle et digital sur toutes les plateformes.
Spotify:
https://open.spotify.com/album/0saKx6km7Z2aREswsUqylE?si=kD2_UKqJTcGdJYzsSLJ6TwDeezer:http://www.deezer.com/album/93199912
L’ année cinématographique 2019 est terminée depuis quelques jours : quel a été votre coup de cœur ?
•Parasites• m’a sciée en deux.
Une critique de la société dans ses inégalités, ses injustices, et les dérives qu’elles entraînent de part et d’autre, oscillant entre humour et drame. C’est filmé avec beaucoup d’intelligence. Je pense notamment au top shot au dessus de la ville pendant le déluge, qui évoque la panique d’insectes fourmillant, sortant de sous la terre pour échapper à la noyade. Métaphore assez parlante d’une certaine vision. Les plus aisés ne se rendent parfois absolument pas compte du sort des plus défavorisés. Il en sont tellement éloignés qu’ils ne peuvent même pas le concevoir. Pour certains, ce sont juste des cafards, des parasites.
Quels sont vos projets actuels et futurs ?
Avec The Small Ladies, nous venons d’entrer chez •Cosmos Art•, une société de booking qui a pour vocation à trouver à des compagnies de théâtre et des groupes de musique comme le nôtre, des dates de représentation à Paris et en tournée, des premières parties, et à postuler à des tremplins. Nous sommes ravis de cette nouvelle collaboration! http://www.cosmosarts.fr/the-small-ladies
Nous travaillons également à l’écriture et la composition de notre premier album.
Parallèlement, je vais commencer un stage d’écriture pour me former au scénario. Cela fait des années que je souhaite passer derrière la caméra et 2020 m’a donné l’élan pour prendre en main cette nouvelle démarche. J’espère réussir à écrire et réaliser un film (pour l’instant sans doute un court-métrage) qui soit à la hauteur de mes attentes et de mes convictions.
Je suis également sur scène dans •Intra Muros• d’Alexis Michalik, au Théâtre de la Pépinière à Paris et en tournée en France et à l’étranger. Prochainement nous partons jouer à Hong Kong!
Et enfin j’attends la réponse de plusieurs castings pour des projets à la télévision et au cinéma. Croisez les doigts pour moi !
Ma démo (image) https://vimeo.com/385802709
Un petit mot pour le site ?
Merci de donner la parole à des comédiens qui pratiquent le doublage et qui derrière leur micro dans l’ombre des studios sont souvent peu mis en lumière.
Merci également d’avoir contribué à formuler, à mettre en ordre et en mots ma pensée par vos questions pertinentes.
Bonne continuation à vous.
Interview réalisée en Janvier 2020.
Suite aux récentes perturbations dans le monde, certains projets de Léopoldine Serre ont « sûrement » été repoussés de quelques mois…