Cindy Tempez m’a offert l’honneur de répondre à mes questions sur le doublage.
De The Walking Dead à Game of Thrones, en passant par Alice in Borderland tout en flirtant avec MARVEL et sans oublier son voyage Aérien dans FLIGHT, Cindy dégage une Aura cinématographique époustouflante.
En exclu pour Gillesfaitsoncinema.com
Vous êtes actrice avant tout, mais aussi une voix très connue dans le doublage français, comment êtes-vous arrivée dans ce métier ?
Vous avez raison de le souligner, nous sommes avant tout des interprètes. Et si le support varie (théâtre, tournages, doublage…), le sens reste le même : embarquer le public dans une histoire, pour s’évader d’abord, pour réfléchir parfois aussi. En ce qui me concerne, j’ai suivi une formation théâtrale, avant d’intégrer, à l’âge de 20 ans, la troupe de Robert Hossein. C’est là que j’ai rencontré des comédiens pratiquant le doublage, qui m’ont proposé d’assister à leurs enregistrements. C’est en les observant en studio que j’ai d’abord appris, avant qu’on me donne ma chance au micro. Ma première boucle, c’est à Perrette Pradier que je la dois ! Mais la vérité c’est que mon intérêt pour l’univers du doublage remontait déjà à l’enfance. Quand j’étais petite fille, au conservatoire, c’était Lucie Dolène qui nous décernait des récompenses lors des auditions de fin d’année. La voix de Blanche-Neige quand même !!! L’admiration que je lui portais n’est assurément pas étrangère au chemin que j’emprunterai par la suite.
Cinéma, Séries TV… Vos techniques sont-elles différentes selon le style de doublage ?
Ce que j’aime dans le doublage, c’est que la même journée, on peut travailler le matin sur un drame social, faire du soap à midi, et terminer par une sitcom le soir ! Cette discipline enseigne l’adaptabilité. Mais quel que soit le genre, la technique reste la même : un aller-retour continuel entre le texte détecté qui défile, et l’image, à la recherche de la meilleure synchronicité et incarnation. Seuls le rythme et le ton varient en fonction du projet, du personnage. La seule technique qui diffère réellement est celle de la voice-over, dans le documentaire par exemple. Dans ce cas, il ne s’agit plus de substituer la voix française à l’originale, mais de l’accoler. On travaille alors sans bande rythmo, à l’oreille, texte à la main, pour donner l’illusion d’une traduction simultanée.
Vous êtes la voix de Nymeria Sand et de Lyanna Stark dans Game of Thrones ! Comment êtes-vous arrivée dans le casting vocal d’une des plus grandes séries de ces dernières années ? Et comment avez-vous vécu la fin de la série ? Etiez-vous fan de Game of Thrones à côté ou comme beaucoup de vos collègues vous ne regardez pas forcément les films ou les séries dans lesquels vous doublez ?
J’étais fan de la série oui avant de la doubler. Je me suis présentée au directeur artistique Laurent Dattas, en cours de saison, qui m’a d’abord fait confiance sur des voix additionnelles, avant de m’attribuer ces deux jolies partitions. Je garde un merveilleux souvenir du travail sur cette série. Nous étions tous très heureux de participer à un programme d’une telle qualité. Après plusieurs années de collaboration, nous avons accueilli l’annonce de la fin de la série avec tristesse. Mais c’est l’essence même de notre métier, rien n’y est immuable, et au fond c’est tant mieux. La fin d’un projet mène au début d’un autre. Aujourd’hui par exemple je retrouve avec joie la direction de Laurent sur Umbrella Academy. Vous voyez, même équipe, autre registre ! Bien sûr je m’intéresse toujours aux produits sur lesquels je travaille. Si je ne peux pas toujours visionner l’intégralité d’une série quand je participe en Guest, j’essaye au moins de me tenir informée. Quand j’ai un rôle important, je regarde tout ce que je peux en amont, et je suis la diffusion oui. Néanmoins quand on double, on s’attache surtout à la situation immédiate de notre personnage, c’est ce qu’on nous demande.
Vous avez aussi travaillé sur The Walking Dead, le rôle de Laura. Un mot pour cette série ? L’horreur est-elle votre tasse de thé ?
J’adore me faire peur oui ! Et j’ai doublé beaucoup de films de genre à mes débuts : Terreur sur la ligne, Mortuary, Insidious… Mais attention j’aime aussi les comédies romantiques, et même les films de Noël hein ! 😉 J’étais très heureuse de rejoindre l’équipe de Benoit Du Pac sur The Walking Dead évidemment. Le rôle de Laura n’est pas très bavard, c’est une guerrière, plus avide d’action que de mots. Mais une femme de caractère que j’ai été heureuse d’incarner.
Depuis quelque temps, un certain nombre de séries asiatiques débarquent en Europe grâce aux plate-formes de streaming. Vous doublez la voix du personnage de Kuina (Aya Asahina) dans l’excellente série japonaise Alice in Borderland. Comment vous êtes-vous préparée pour vous mettre dans la peau de ce personnage si charismatique ? Comment expliquez-vous cet enthousiasme pour toutes ces séries venant des pays du soleil levant (dont le récent Squid Game) ?
On peut dire qu’Alice in Borderland a préparé en quelque sorte le succès de Squid Game. La thématique est très proche. Ce sont des séries d’une grande intensité, sans filtre. Je crois que c’est leur caractère subversif qui suscite en particulier l’engouement des ados. Les personnages sont bien campés, radicaux, souvent écorchés, attachants. Le rôle de Kuina en est un parfait exemple. Une ado revêche, qui dissimule un passé difficile, un secret. Je ne me suis pas préparée car je n’avais vu aucune image avant l’enregistrement. Je ne connaissais pas le manga. Je me suis laissée porter par les indications de jeu d’Annabelle Roux, et par le jeu à l’écran de la comédienne. Bien sûr je trouve formidable que les plateformes ouvrent leurs catalogues aux programmes du monde entier, asiatiques, hispaniques, etc. Ils nous ouvrent à d’autres cultures, à d’autres façons de penser la fiction, ils nous font voyager.
Votre pire souvenir de doublage si vous êtes autorisée à en parler, ou le plus complexe ?
Et pourquoi ne pas parler plutôt du meilleur ? Donner la réplique à Léonardo DiCaprio dans Revolutionary Road de Sam Mendes ! Et j’ai recommencé dernièrement dans Don’t look up ! Les deux fois grâce à la distribution de Virginie Mery.
Vous avez doublé un certain nombre de voix. Quelle est celle dont vous êtes la plus fière ?
Je suis fière d’avoir été choisie pour doubler la comédienne Kelly Reilly, dans le film Flight ou la série Britannia. J’aime beaucoup cette actrice. Et j’avoue avoir une tendresse particulière pour mon rôle de Jemma Simmons dans la série MARVEL Les Agents du Shield. Ce fut mon premier rôle récurrent en série. Je l’ai doublé plus de 7 ans. Et j’ai adoré ce personnage farfelu qui m’a fait vivre des aventures palpitantes ! Merci à Hervé Bellon de m’avoir fait ce cadeau. J’aimerais beaucoup doubler à nouveau Elizabeth Henstridge dans une autre série si l’occasion se présente. J’aime la richesse de son jeu. J’aime son énergie.
J’ai fait un article il y a deux ans sur le fameux débat : c’est mieux la VO (stFR) ou la VF ? Pour vous, il y a des séries ou des films que vous préférez voir en version originale, ou par solidarité avec vos collègues et votre métier vous privilégiez la VF ?
Alors je vais être franche, en tant que spectatrice, je regarde toujours d’abord en VO, parce que sinon je reconnais les voix des copains, et ça me sort de l’histoire. Puis dans un second temps je réécoute certaines partitions en VF pour voir ce qui a été fait. Ça me permet parfois de découvrir des comédiens que je ne connais pas. La VF n’a pas vocation à supplanter la VO. Il s’agit de deux œuvres distinctes. Je trouve que c’est bien que la VF existe pour les gens qui ne peuvent pas lire les sous-titres, pour rendre les programmes accessibles à tous. Par ailleurs, j’avoue être sensible à la magie qui opère quand la rencontre entre les acteurs à l’écran, et à la barre, est réussie. On assiste alors à la naissance d’avatars parfois très intéressants. La synergie de deux talents. Je crois que c’est pour ça que l’univers du doublage fascine toujours autant le public. La voix est un vecteur puissant d’émotions. C’est touchant de voir lors des conventions à quel point les gens s’attachent encore aux voix. La France fait partie des pays qui maîtrisent le mieux cet artisanat. Cultivons notre savoir-faire et cette magie.
L’année 2021 (comme 2020) a fortement été perturbée par le Covid. Quels sont vos projets pour 2022 ? Alice in Borderland saison 2 peut-être ?
L’année 2022 s’annonce palpitante. La production audiovisuelle a repris de plus belle dans le monde entier, et le public a plus que jamais besoin d’évasion ! Nous sommes contraints de respecter des clauses de confidentialité pour ne pas gâcher la surprise des diffusions alors je ne peux rien dévoiler mais de belles choses arrivent. Pour Alice in Bordeland, je suis comme vous, je lis les infos sur le net ;). J’ai l’impression qu’une saison 2 se profile oui, et que Kuina est de la partie. J’ignore quand nous reprendrons le chemin des studios, mais j’ai hâte bien sûr.
Un petit mot pour Gillesfaitsoncinema.com et vos voisins suisses ?
Merci pour votre intérêt pour notre travail, pour votre passion. Au milieu de l’actualité chahutée que nous traversons, continuons tous ensemble de faire vivre ces fictions, ces personnages, ces univers multiples.
J’aimerais particulièrement vous remercier Cindy pour le temps que vous avez investi pour cette Interview.
D’une bienveillance et d’une gentillesse,… ce fut un réel plaisir d’échanger avec vous. Je vous souhaite une bonne continuation dans votre carrière et gardez cette étincelle dans votre cœur pour ce merveilleux travail !!